elle s’regarde dans l’miroir un peu flou et crade, ébréché même sur un bord, en remettant ses boucles brunes en ordre. elle a la mine crevée, les cernes bleutées de l’insomnie. mais c’est pas qu’elle dort pas, c’est juste qu’elle passe ses nuits, depuis quelques semaines, à faire des croquis de tout et rien. d’la banane qui pourrit sur le meuble en bois rugueux, des chats au poil pas très soyeux à qui elle donne des morceaux d’gras le soir, juste en bas. de macha qui rigole à une de ses blagues, de ses yeux rieurs. puis des fois de scar qui sourit pas, qu’est trop occupé à regarder la vie s’activer à travers son appareil. mais qu’a l’air bien. elle enfile un sweat, nour, éteint le poste de radio retro qui crache un karma police de radiohead, et ferme la porte craquelée d’la salle de bain en faisant craquer l’parquet vermoulus sous ses pieds nus. elle grimace ; pas envie de s’prendre une écharde, elle enfile ses chaussures sans défaire les lacets et sourit déjà en imaginant scar qui l’attend en bas, assis sur les marches. nonchalant mais bien avec sa cigarette qu'a l'air de jamais s'finir.
nour elle avait pas trop prévu d’sortir ce soir, cette nuit. mais elle avait pas non plus prévu de dormir. ‘y avait sa tasse de thé à la menthe trop infusé refroidie depuis des heures quand on a frappé à sa porte. un peu plus de trois heures. nour elle a lâché son crayon gras ; ça a fait un trait parasite sur sa feuille à grains. puis elle a ouvert la porte et elle a pas été surprise d’retrouver scar. p’t’être bien qu’à force, elle reconnait même la façon qu’il a d’faire cogner ses phalanges sur sa porte. c’est pas l’même son, pas l’même écho que les autres. des fois on dirait presque une chanson. alors elle a ouvert puis elle a sourit, a chuchoté un j’arrive avant de disparaître.
elle ouvre la porte un peu vite, un peu brusquement. bizarrement envie d’refaire le monde cette nuit. c’est son dos qu’elle voit. et la lanière de son appareil. nour elle sait qu’il l’a entendue et elle sait qu’il sourit ; elle arrive toujours à lui arracher des sourires. des beaux même, les meilleurs. ceux qu’elle préfère. elle descend les marches et quand elle s’approche, elle passe un bras autour de ses épaules, l’sourire qui rayonne et les yeux desquels on pourrait voir des p’tites étoiles dans l’fond. on fait quoi aujourd’hui ?, qu’elle demande. oublie de dire cette nuit parce qu’une nuit elle trouve ça trop court et qu’aujourd’hui ça sonne mieux, ça sonne plus long comme plus de scar à ses côtés. t'as vu toutes les étoiles ? elle saute un peu du coq à l'âne mais l'ciel capte son attention. paraît que ça veut dire que demain il fera beau mais froid. une moue pas trop certaine qui s'affiche sur son minois. c'est vrai ? et c'est à nouveau scar qui l'intéresse et ils se sont toujours pas levés des marches bétonnées et nour elle s'en fout un peu.